la forêt et ses milliards d'yeux : oiseaux, écureuils et peut-être même loups, ils sont partout. elle est leur domicile, leur domaine, là où la nature reprend le peu de droit qu'on lui accorde. en témoigne le vieux kiosque que la végétation recouvre d'année en année : bientôt, son ossature aura disparu toute entière sous le vert du lierre et des mauvaises herbes. plus loin, au bout d'un chemin de terre, la maison abandonnée et ses mille légendes sordides : on raconte qu'elle est hantée et il est fortement déconseiller de s'y aventurer la nuit, même pour les plus téméraires.

refuge de fortune pour les adolescents fugueurs, les solitaires en quête d'eux-même et les vadrouilleurs de passage. les parois humides sont une toiles comme les autres pour les artistes en herbe : on y trouve des dessins, des traces de mains et des additions amoureuses gravées au couteau. lugubres et glissants, les couloirs et cavernes sont un bien mauvais endroit où passer la nuit.

la route, la route infinie, la route qui s'en va. où va-t-elle? pourquoi? personne ne le sait. personne n'est jamais allé au bout - ou alors, personne n'en est jamais revenu. elle sillonne à travers colline, champs et clairières, droite, presque fière, bien trop longue. de l'autre côté, l'ailleurs. celui que l'on rêve, que l'on dessine, que l'on écrit. l'ailleurs comme on le souhaite, puisqu'il n'est le fruit que de l'imagination. les villageois aux âmes les plus folles projettent de la prendre un jour, toujours tout droit, et surtout, ne jamais revenir. le cirque des rêves, lui, est arrivé par là, un beau matin.